
Eloïse De Nayer est doctorante en études théâtrales et recherche-création au laboratoire FoReLLIS B à l’Université de Poitiers sous la direction de Françoise Dubor. Sa thèse, intitulée « L’art de l’actrice : voix et voies du féminin du théâtre symboliste à la performance contemporaine », interroge la manière dont l’expérience du genre interfère avec la composition des rôles, leur dramaturgie et tout ce qu’on pourrait considérer dans une perspective esthétique comme un art des actrices. Elle s’intéresse précisément aux périodes de mutations artistiques, de changements de paradigme (la période symboliste, les avant-gardes théâtrales et laboratoires de théâtre physique, le dialogue entre performance et théâtre sur les scènes contemporaines) qui ouvrent des « brèches » à partir desquels peuvent émerger des alternatives et des espaces de liberté artistique dont les actrices s’emparent déjà depuis longtemps. Se dessine ainsi une forme de généalogie des pratiques féminines du théâtre qu’elle étudie à l’aune de la sienne dans une perspective de recherche-création et de recherche-située. Ce travail théâtral convoque notamment les figures fantasmées de la ‘’muse’’ et de la déesse grecque Psyché mais aussi celle de l’actrice Eleonora Duse, dont elle souhaite questionner l’héritage dans une forme théâtrale adaptée de la pièce d’Ibsen Quand nous nous réveillons d’entre les morts (en partenariat avec le Meta CDN de Poitiers).
Pour cette résidence à Rennes 2 soutenue par le réseau Rescam, elle travaille sur une forme performative, comme un prélude au spectacle, destinée aux espaces publics et aux musées. L’objectif est d’interroger la place de l’actrice et de ce qui constitue son travail dans un musée, l’espace des beaux-arts. Elle pose ainsi la question de la hiérarchie des arts et celle de la hiérarchie des corps : quelle est la place d’un corps vivant, d’un corps de femme devant un ensemble d’oeuvres ? Cette question est depuis les années 70 au coeur de l’art de la performance mais à travers cette forme-ci, Eloïse interroge l’image mythique de Psyché, la déesse de l’âme, et l’idéalisation symboliste de la femme.
Quel est le support de cette idéalisation ? Sur quel vécu, quelle expérience repose-t-elle si on retourne l’objet en sujet ? Que traverse cet être vivant ? Avec sa soeur plasticienne Adèle De Nayer (diplômée du master Arts Plastiques de l’université Rennes 2), elle se propose de construire durant cette résidence les ailes de Psyché, en brodant un manteau-cape réalisé par l’architecte et couturière Diandra Bon, d’un nombre illimité d’écailles de céramique et de tissu réalisés et brodées en partie pendant la résidence. La sortie de résidence du 3 mars au Tokonoma sera l’occasion de tester cette forme devant un public, dans son véritable timing (3 heures) et d’en tirer les conclusions nécessaires à ses recherches et au développement du projet. Au cours de cette performance, Eloïse continuera de broder ces ailes et en mesurera le poids, tout en partageant avec le.a spectateur.ice libre de diriger son regard et son écoute comme il.elle.s le souhaitent, des textes et des chansons. Cette résidence est l’occasion pour Eloïse et Adèle de travailler sur la sororité et la patience comme leimotiv du travail des femmes artistes, tout en proposant une dramaturgie ouverte, comme celle qu’expérimente un.e visiteur.ice de musée, avec l’idée sous-jacente de laisser l’oeuvre parler.

Broderies (Photo – Ayla Corre)
Création des perles (Photo – Ayla Corre)

Entraînement performance (Photo – Ayla Corre)

Performance broderies et chant (Photo – Margot Duval)

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