Dans le cadre du Réseau inter-universitaire d’écoles doctorales Création, Arts et Médias, quarante enseignants chercheurs de divers pays et quarante doctorants issus principalement des universités de Paris 3, de Toulouse 2 et d’universités italiennes, ont participé en juin 2011 à l’université d’été de Venise consacrée à la question « Coût et gratuité » dans les arts et médias. L’université d’été avait été mutualisée dans le Réseau par l’école doctorale Arts & Médias de la Sorbonne nouvelle Paris 3.
Cette expérience déjà lointaine dans le temps a donné ensuite naissance à un « bébé-réseau ». À la fois mini réseau de jeunes chercheurs issu de rencontres au sein du Réseau Création, Arts et Médias, et initiative singulière de création de recherche (organisation d’une journée d’étude) née d’une rencontre humaine et intellectuelle au cœur du Réseau, ce « bébé Réseau » est emblématique de l’esprit du projet Création, Arts et Médias : un dispositif visant à l’ouverture d’un champ libre de création de recherche, et une écloserie de jeunes chercheurs en voie d’autonomisation et d’insertion dans l’univers de la recherche. Pour en savoir plus, Création, Arts et Médias a rencontré ceux qui ont été au cœur de la genèse de ce « bébé réseau » : Marine Duffau, doctorante en 3ème année à l’université de Toulouse 2 Le Mirail et spécialiste de clown-thérapie, ainsi qu’Hervé Charton, normalien et doctorant menant à la Sorbonne Nouvelle Paris 3 des recherches sur l’improvisation dans les arts de la scène.
Création, Arts et Médias. Marine Duffau, bonjour ! Vous poursuivez des recherches en clown-thérapie, dans quelles circonstances avez-vous été amenée à participer à cette université d’été ?
Il s’avère que ma thèse porte sur le dispositif clownesque à fonction thérapeutique en environnement hospitalier ; elle est dirigée par les professeures Monique Martinez Thomas et Maithé Tauber. J’étais en première année de thèse lorsque ma directrice de thèse, Monique Martinez, également co-directrice de l’École Doctorale Allph@ – ED intégrée dans le réseau -, m’a fait part de l’université d’été qui se déroulait à Venise en juin 2011 ainsi que de l’importance et de l’attrait qu’elle pouvait représenter pour un doctorant au niveau de l’exercice de la communication scientifique. La thématique « Coût et Gratuité » qui pouvait, il y a quelques années encore, effrayer les chercheurs en ALL et SHS a rapidement fait écho à des problématiques auxquelles j’ai pu me confronter lors de mon travail de terrain (dans le cadre de ma thèse), à savoir les similitudes et différences entre les interventions des clowns hospitaliers professionnels et bénévoles. J’ai donc décidé d’orienter ma communication autour de cette problématique : « deux pratiques pour un terrain, quand les clowns hospitaliers professionnels et bénévoles partagent leur scène : l’hôpital ».
C.A.M. Bonjour Hervé Charton, comment avez-vous été, de votre côté, amené à participer à cette université d’été ?
Quant à moi, je travaille sur l’improvisation, sous la direction de Marie-Madeleine Mervant-Roux. J’étais très proche et en relation constante avec les quelques doctorants contractuels de l’Ed 267 Arts & Médias qui ont organisé cette université d’été. Le sujet, « coût et gratuité », a ouvert de fructueuses pistes de réflexion autour de mon terrain de recherche. Mon intervention s’est concentrée sur l’acte gratuit, étalon d’une bonne ou mauvaise improvisation : celle-ci cherche en effet le plus souvent à l’éviter, et déploie pour cela des stratégies parfois très coûteuses.
C.A.M. Au terme de votre expérience, Marine Duffau, quel est l’intérêt pour un doctorant de participer à une telle manifestation ?
Au-delà de l’attrait majeur des manifestations scientifiques classiques auxquelles un doctorant se voit confronté lors de son parcours de thèse (je pense aux séminaires de laboratoire, aux colloques et journées d’études), il s’agit là d’une possibilité de confronter son travail avec des chercheurs issus de disciplines différentes, de s’adonner à l’exercice de la communication en public, de sortir le doctorant de son isolement, de répondre aussi à une problématique précise imposant au doctorant d’apprendre à structurer son travail. L’université d’été de Venise / San Servolo, dans sa formule, a permis des rencontres plus riches encore puisqu’elles s’opéraient à l’échelle internationale, offrant un nouveau regard, plus large, sur la recherche. Le format, impliquant nombre de doctorants (tant dans l’organisation que dans la participation) a permis d’instaurer un climat de confiance, facilitant les échanges sans pour autant négliger une haute exigence scientifique. À juste titre d’ailleurs, cette Summerschool a donné lieu à une publication, qui constitue un second niveau de valorisation des travaux de recherche menés aux cours de cette semaine. Un autre point fort a manifestement été la prise en charge des personnes qui logeaient sur le lieu même que la manifestation scientifique : l’île de San Servolo à Venise – voir ci-après. Ce cadre sublime a sans nul doute fortement contribué à exalter les échanges entre chercheurs. La proximité générée par l’hébergement sur place a été propice à la création de réseaux personnels pour nombre d’entre nous.
C.A.M. Quel est l’apport pour un doctorant qui entre dans la recherche d’un tel réseau personnel, selon vous Marine Duffau ?
Il est vrai que mis à part les échanges avec son directeur de recherche, et, s’il est rattaché à un laboratoire relativement dynamique, avec le directeur du laboratoire et autres chercheurs et doctorants ; le doctorant peut se trouver bien souvent esseulé face à ses thématiques de recherche. Tout l’attrait de ce réseau créé lors de l’université d’été réside dans les échanges avec chercheurs et doctorants. Il est rare que dans un même laboratoire de recherche plusieurs doctorants travaillent sur des problématiques de recherche vraiment proches, or, lors de cette université d’été, il m’a été donné la possibilité de rencontrer nombre de doctorants issus de la même section que la mienne dont le travail, s’il ne portait pas sur des thématiques similaires pouvait au moins servir à débattre et à échanger, et pourquoi pas créer des liens et ouvrir à des projets communs.
C.A.M. Et selon vous, Hervé Charton ?
Je souscris pleinement à ce qu’a dit Marine. Je retiens surtout de San Servolo une puissante émulation intellectuelle, un climat de travail qui nous a permis d’explorer à fond une problématique à travers le prisme d’une multitude de disciplines et d’approches. L’alternance de conférences, d’ateliers de travail entre doctorants, de sorties et de manifestations plus informelles, liées au partage d’un lieu de vie, a permis des rencontres pleines de promesses, a fait germer des idées et des envies inédites. En travaillant à notre thèse, il peut parfois nous arriver de trouver tout cela vain, tout isolés que nous sommes. Là, au contraire, nous sentions un mouvement de réflexion commun, une force de pensée commune, et que notre travail pouvait aisément se répercuter, s’ancrer dans le progrès d’une communauté scientifique.
C.A.M. Vous évoquez la création de recherche : le réseau que vous avez tissé à Venise a-t-il donné lieu, Marine Duffau, à des initiatives ?
En effet, les différents échanges avec les doctorants nous ont permis de réaliser quelles étaient les compétences, les champs disciplinaires, les perspectives critiques et les atouts de chacun et ont, de fait, donné lieu à la création de projets. Je pense à une journée d’étude que j’ai organisée en collaboration avec le doctorant et metteur en scène Hervé Charton (Université Paris 3) suite à des échanges lors de cette université d’été ; il m’a fait part de sa volonté d’organiser une journée autour de l’improvisation (thématique de recherche qui nous anime conjointement) et nous avons dès lors pris connaissance des qualités de chacun (scientifiques et opérationnelles) et de notre complémentarité en ce qui concerne l’organisation de manifestations scientifiques.
C.A.M. Un véritable « bébé réseau » en quelque sorte, Hervé Charton ?
Oui, une jeune pousse, imparfaite et prometteuse, qui tenait de ses trois parents, puisque Maria Clara Ferrer, également doctorante à Paris 3, s’est ensuite alliée à nous pour lui donner le jour. Au-delà de nos énergies et de notre volonté de doctorants, les deux écoles doctorales Arts et Médias de Paris 3 et Allph@ de Toulouse 2 ont soutenu la réalisation de cette journée d’étude. Une journée riche et très intéressante, un premier essai que nous aurions aimé transformer à Toulouse, ce qui ne s’est pas fait pour toutes sortes de raisons. Il est à souhaiter que le développement Réseau inter-universitaire facilite le développement de telles initiatives. Un beau bébé que nous avons hâte de voir grandir.
C.A.M. Au terme de ces expériences très abouties de l’université d’été et des journées d’études, quels sont, Marine Duffau, Hervé Charton, vos projets et quel(s) conseil(s) donneriez-vous à un néo-doctorant pour réussir dans la voie universitaire ?
Marine Duffau. Je ne sais pas si je suis à même de conseiller un néo-doctorant en terme de réussite universitaire. Ceci étant, je pense qu’il convient, dans un premier temps, d’entretenir de bonnes relations avec son (ses) directeur(s) de recherche qui sauront au mieux aiguiller le doctorant en fonction de ses qualités et de ses attentes envers le milieu de la recherche. Il semble également fondamental dès la première année d’avoir connaissance de ce qu’implique une thèse de doctorat aujourd’hui. Outre le travail de recherche (qu’il s’agisse de recherche fondamentale ou applicative), il est très important de communiquer autour de ses travaux de recherche « hors les murs », j’entends par là, de participer à des colloques, journées d’études, université d’été, permettant d’avoir des retours sur ses travaux de recherche au-delà de ceux de sa propre équipe de recherche. Il est vital qui plus est de constituer ou de commencer à constituer par ce biais un réseau.
Hervé Charton. J’ajouterais également que l’organisation de manifestations scientifiques, à plus forte raison lorsqu’elles sont issues d’une collaboration, me semble primordiale dans le parcours de formation du doctorant ainsi que dans la perspective de sa professionnalisation (il s’agit là d’une des attentes majeures lors des commissions de qualification de MCF du CNU(*). Par ailleurs, m’approchant de la fin de thèse, j’ai présenté un nouveau projet pour la Summerschool de cette année qui, je l’espère, engendrera de nouvelles rencontres, tout aussi fructueuses que celle que j’ai faite en rencontrant Marine.
(*) Conseil National des Universités en charge de la qualification des Maîtres de Conférences et des Professeurs d’Université.
C.A.M. Marine Duffau, Hervé Charton, merci de nous avoir accordé cet entretien et bonne chance pour la suite de votre parcours intellectuel et humain.
Le Réseau Création, Arts et Médias mutualise plusieurs universités d’été et autres séminaires internationaux dans lesquels un certain nombre de places sont réservées aux doctorants des écoles doctorales membres du Réseau. Pour tout renseignement, voir l’onglet « Université d’été »
Entretien réalisé par Jean-Michel Caralp – Mise en ligne mars 2013
C.A.M. Vous évoquez la création de recherche : le réseau que vous avez tissé à Venise a-t-il donné lieu, Marine Duffau, à des initiatives ?
En effet, les différents échanges avec les doctorants nous ont permis de réaliser quelles étaient les compétences, les champs disciplinaires, les perspectives critiques et les atouts de chacun et ont, de fait, donné lieu à la création de projets. Je pense à une journée d’étude que j’ai organisée en collaboration avec le doctorant et metteur en scène Hervé Charton (Université Paris 3) suite à des échanges lors de cette université d’été ; il m’a fait part de sa volonté d’organiser une journée autour de l’improvisation (thématique de recherche qui nous anime conjointement) et nous avons dès lors pris connaissance des qualités de chacun (scientifiques et opérationnelles) et de notre complémentarité en ce qui concerne l’organisation de manifestations scientifiques.